Programme

 

Mercredi
17 octobre 2018
Jeudi
18 octobre 2018
Vendredi
19 octobre 2018
Samedi
20 octobre 2018
Matin Théorie,
genèses
Génétique
dans le monde
Grands corpus de la Bibliothèque nationale de France
Après-midi Nouveaux
horizons
Supports
et traces
Exposition et présentation au public d’un ensemble de manuscrits originaux
Soir Cérémonie d’ouverture Soirée privée Conférence-concert de génétique musicale
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MERCREDI 17 OCTOBRE 2018
École normale supérieure, Salle Dussane

Cérémonie d’ouverture

16h30   Frederic Worms, Directeur adjoint lettres de l’École normale supérieure

16h45   Laurence Engel, Présidente de la Bibliothèque nationale de France

17h00   Marie Gaille, Directrice adjointe scientifique à l’Institut des sciences humaines et sociales du CNRS (InSHS)

17h15    Louis Hay, fondateur de l’Institut des textes et manuscrits modernes, La naissance de l’ITEM et de la critique génétique

18h00   Table ronde des directeurs successifs de l’ITEM : Almuth Grésillon, Daniel Ferrer, Jean-Louis Lebrave, Pierre-Marc de Biasi, Paolo D’Iorio

19h15    Buffet dînatoire

 

JEUDI 18 OCTOBRE 2018
École normale supérieure, Salle Dussane

Session 1 : Théorie, genèses

Modération : Daniel Ferrer (CNRS-ITEM), Nicolas Donin (IRCAM), Nathalie Ferrand (CNRS-ITEM)

9h30     Dirk Van Hulle (Université d’Anvers et Jesus College, Oxford)Critique génétique à l’ère du numérique : Vers une histoire comparative du brouillon littéraire

10h25    Charlotte Guichard (CNRS-IHMC) L’histoire de l’art à l’épreuve de la critique génétique. La main dans la peinture des Lumières

11h20    Pause café

11h35    Pierre-Michel Menger (Collège de France)Le travail comme catégorie de la génétique

12h30    Pause déjeuner

Session 2 : Nouveaux horizons

Modération : Anne Herschberg Pierrot (Université Paris)

14h30    Nicholas Cronk (Université d’Oxford), Nathalie Ferrand (CNRS-ITEM), Pierre Musitelli (ENS-ITEM), Le nouvel horizon des manuscrits d’Ancien Régime

15h30    Paolo D’Iorio (CNRS-ITEM), Génétique philosophique

16h10    Pause café

16h30    Dominique Combe (ENS) et Jean Khalfa (Université de Cambridge)Généalogies et avatars de la négritude

17h10    Pierre-Marc de Biasi (CNRS-ITEM)Génétique des arts visuels

17h50   Michel Espagne (CNRS-Pays germaniques, Labex TranferS), Réflexions sur les transferts entre disciplines et entre pays

18h20   Discussion générale

 

VENDREDI 19 OCTOBRE 2018
École normale supérieure, Salle Dussane

Session 3 : Génétique dans le monde

Modération : Olga Anokhina (CNRS-ITEM), Fatiha Idmhand (Université de Poitiers et ITEM)

9h30     Claudia Amigo Pino (Universidade de São-Paulo, Associação de Pesquisadores em Crítica Genética), Défis et enjeux de la critique génétique au Brésil

10h10    Graciela Goldchluck et Delfina Cabrera (Universidad nacional de la Plata), La critique génétique en Argentine

10h50    Kazuhiro Matsuzawa (Université de Nagoya), Train de nuit dans la Voie lactée de Kenji Miyazawa : les origines de la critique génétique au Japon

11h40    Pause café

12h00    Bodo Plachta (Arbeitsgemeinschaft für germanistiche Edition)Komm ins Offene, Freund! – La critique génétique en Allemagne

12h40    Paola Italia (Università degli Studi di Bologna)Alle origini della « Critica degli scartafacci».  Aux origines de la critique des brouillons

13h20 Pause déjeuner

Session 4 : Supports et traces

Modération : Jean-Gabriel Ganascia (Université Pierre et Marie Curie)

Préambule : Jean-Louis Lebrave (CNRS-ITEM), La codicologie hier, aujourd’hui et demain : du codex au disque dur

15h10    Claire Bustarret (CNRS-Centre Maurice Halbwachs), Enjeux de l’expertise codicologique moderne et contemporaine : ce que le papier fait au travail de l’écrit; Jean-Sébastien Macke (CNRS-ITEM)Les supports et instruments d’écriture des écrivains vus par eux-mêmes

15h50    Thorsten Ries (Université de Gand)The challenge of born-digital : the critique génétique and digital forensics

16h30    Pause café

16h50    Aurèle Crasson (CNRS-ITEM), Jean-Louis Lebrave (CNRS-ITEM), Nathalie Léger (IMEC), Jeremy Pedrazzi (CNRS-ITEM), Thorsten Ries (Université de Gand)Genetic Forensics, analyser les disques durs de Jacques Derrida

18h10    Stéphane Reecht (BnF)Conserver le support, conserver l’information : des défis pour les institutions patrimoniales

18h50    Discussion générale

19h15    Buffet dînatoire

20h30   Conférence-concert de génétique musicale. (Salle des Actes)
               Catherine David (écrivaine, musicienne) et William Kinderman (Université de l’Illinois)

 

SAMEDI 20 OCTOBRE 2018
INHA– Auditorium Colbert, Galerie Vivienne

Session 5 : Grands corpus de la Bibliothèque nationale de France

Présentation exceptionnelle de chaque corpus, sous forme de dialogue entre un chercheur et un conservateur de la BnF.

Matinée présidée par Isabelle le Masne de Chermont (BnF)

10h00    Jean-Marc Hovasse (CNRS-ITEM), Thomas Cazentre (BnF), Victor Hugo

11h00    Olivier Lumbroso ( Université Paris-Sorbonne nouvelle), Guillaume Fau (BnF), Émile Zola

12h00    Nathalie Mauriac Dyer (CNRS-ITEM), Guillaume Fau (BnF), Marcel Proust

13h00    Pause déjeuner

Après-midi présidée par Jacques Neefs (Johns Hopkins University)

14h30    Franz Johansson (Université Paris-Sorbonne), Olivier Wagner (BnF), Paul Valéry

15h30    Luc Vigier (Université de Poitiers et ITEM), Marie Odile Germain (BnF), Louis Aragon

16h30    Irène Fenoglio (CNRS-ITEM), Émilie Brunet (IRD), Émile Benveniste

Conclusion de la journée et du colloque :

Présentation au public dans la salle de lecture du département des Manuscrits de la BnF d’un second ensemble de manuscrits originaux provenant des six corpus, sous forme de mini-expositions éphémères.

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Exposition de posters de jeunes chercheurs, du 16 au 26 octobre 2018
Aquarium, 45 rue d’Ulm.

Veronica Bernabei (Poitiers, Archivos) : Juan José Saer. Carte de genèse des projets narratifs
Guillaume Chabat (Université de Corse/Université de Nantes) : La genèse romanesque de l’autofiction
Georgeta Cristian  (Université Paris-Sorbonne nouvelle) : L’auto-traduction théâtrale de Matéi Visniec : une écriture « à plusieurs mains » ?
Giuliana Di Febo  (Universita della Svizzera italiana, Lugano) : La genèse d’une traduction d’auteur: la version italienne inédite du Cahier intime de Gustave Flaubert
Flavie Épié  (Université de Bordeaux/Université d’Anvers) : (Re)traduire l’Ulysse de James Joyce : étude comparée des deux traductions françaises et de leur genèse
Max Hidalgo Nacher  (Université de Barcelone) : Les galaxies intertextuelles d’Haroldo de Campos et la bibliothèque en tant qu’espace de création
Élise Nottet-Chedeville  (Université Paris-Sorbonne) : Les poèmes de Jean Genet : genèse de la subversion pour style
Carlota Pimenta  (Université de Lisbonne) : Camilo Castelo Branco’s writing practices
David Simonin  (Université Paris-Sorbonne) : Le sentiment de puissance chez Nietzsche
Anne-Marie Telesinski  (Université Sorbonne Nouvelle) : Réécritures de la métamorphose chez Pétrarque
Colton Valentine (University d’Oxford) : Le transnationalisme interne de l’œuvre d’Algermon Swinburne : une approche génétique
Monica Zanardo (ITEM) : Digital Alfieri

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Résumés des présentations (en cours d’actualisation)

Claudia Amigo Pino (Universidade de São-Paolo, Associação de Pesquisadores em Crítica Genética), Défis et enjeux de la critique génétique au Brésil

Cette présentation a pour but de présenter les recherches les plus récentes en critique génétique au Brésil, leurs défis et leurs enjeux théoriques. Pour cela, on envisage de décrire les activités de 6 groupes de recherche de différents états du Brésil, à partir d’entretiens avec leurs membres et des descriptions des documents sur lesquels portent leurs travaux et l’analyse de leurs publications. Il s’agit notamment du groupe LEENA (Laboratoire d’extension et de recherche en Arts) à Espírito Santo, Le groupe de recherche en processus de création, l’Équipe Mário de Andrade et le Laboratoire du manuscrit littéraire à São Paulo, le Centre d’études de fonds mineiros à Minas Gerais, Le centre d’études du processus créatif (NUPROC) à Santa Catarina.

Claire Bustarret (CNRS–Centre Maurice Halbwachs), Enjeux de l’expertise codicologique moderne et contemporaine : ce que le papier fait au travail de l’écrit

L’entreprise actuelle de numérisation massive des manuscrits modernes et contemporains offre un excellent observatoire pour discerner les enjeux de l’expertise codicologique. Tandis que l’examen visuel gagne à ce transfert une puissance et une souplesse accrues, la substitution de l’image à l’objet physique élimine du champ perceptif quantité de données matérielles auxquelles les chercheur.se.s n’ont accès qu’en consultant les fonds d’archives. Ainsi les précieux indices que constituent la trame vergée, l’épair du vélin ou les filigranes échappent encore de nos jours aux protocoles standardisés de la reproduction numérique – qui ne sauraient rendre compte des aspects tactiles du manuscrit, ni de sa structure tridimensionnelle. Les formats des différents supports, la relation des feuillets entre eux, le détail des pliages et découpages exigent eux aussi des relevés complémentaires.
L’analyse codicologique se donne précisément pour tâche d’enregistrer ces caractéristiques matérielles afin de rendre compte de la diversité des supports et des instruments employés pour écrire, et de leurs interactions, spécifiques dans chaque corpus. Comparaisons et recoupements menés à partir de telles données, grâce notamment à l’outil d’expertise que constitue la base MUSE, permettent d’étayer certaines hypothèses sur les opérations et phases du travail, et facilitent, dans le meilleur des cas, des repérages temporels et spatiaux. Le papier, support privilégié des écrits de l’ère moderne et contemporaine jusqu’à l’avènement du tout numérique, acquiert chemin faisant un statut singulier : plus qu’un substrat passif, il s’agit en fait d’un agent de ce travail de l’écrit que la critique génétique a constitué en objet d’étude.

Dominique Combe (ENS) et Jean Khalfa (Université de Cambridge)Généalogies et avatars de la négritude

On présente souvent la négritude comme une idée claire, née à un moment précis de la rencontre d’Aimé Césaire, Léon Gontran Damas et Léopold Sédar Senghor, à Paris, à la fin des années 20. Or un travail d’archive montre clairement que, avant même l’usage retentissant du mot en français, la notion de négritude s’est développée dès la fin de la première Guerre mondiale, pour des raisons historiques et politiques complexes, dans un certain nombre de publications qu’il faudrait explorer systématiquement, en métropole et aux Antilles.
Ces publications témoignent notamment du rôle décisif joué par la Renaissance de Harlem, mais aussi d’Haïti dans la genèse de la pensée de la négritude, grâce à Jean Price Mars et à Jacques Roumain, en particulier.  Après la seconde Guerre mondiale, largement diffusée par l’Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française, accompagnée de la célèbre préface de Jean-Paul Sartre, la négritude fut aussi l’objet de critiques théoriques, en particulier de la part de Frantz Fanon, et bientôt politiques, dans le cadre des indépendances africaines.
Cette communication à deux voix s’efforcera de montrer comment un travail d’archives et de relecture de textes parfois négligés ou oubliés permet de reconstruire la genèse intellectuelle et poétique de l’idée, qui est aussi une image, de la négritude – depuis les périodiques noirs des années vingt, qui font écho à la Renaissance de Harlem aussi bien qu’à l’indigénisme haïtien, jusqu’aux textes fondateurs de l’anticolonialisme et des indépendances, en passant par les inédits de Fanon.

Aurèle Crasson (CNRS-ITEM), Jean-Louis Lebrave (CNRS-ITEM), Nathalie Léger (Directrice de l’IMEC), Jeremy Pedrazzi (CNRS-ITEM), Thorsten Ries (Université de Gand)Genetic Forensics, analyser les disques durs de Jacques Derrida

Après une rapide présentation globale du corpus numérique de Jacques Derrida par Nathalie Léger, directrice de l’IMEC (Institut Mémoires de l’édition contemporaine), on abordera quatre aspects :
1) Nous partirons du célèbre article intitulé « La machine à traitement de texte », dont les disques durs de l’IMEC comportent deux états différents, pour illustrer comment les données numériques peuvent permettre de reconstituer des opérations de réécritures ponctuelles.
2) À partir notamment de la hantise de perdre des textes dont Derrida faisait état dans Genesis 17 en 2001 dans son entretien avec Daniel Ferrer, on tentera de reconstituer les pratiques de Derrida en matière d’archivage et de sauvegarde de ses textes.
3) Jacques Derrida a majoritairement utilisé le logiciel Macwrite, qui n’a pas fait pour l’instant l’objet d’explorations forensiques comparables à ce qui a pu être mené à bien autour du logiciel Microsoft Word. Nous ferons le point sur l’avancement de ce chantier totalement ouvert.
4) Nous décrirons les premiers résultats d’une exploration du cours sur la peine de mort donné par Derrida à l’EHESS en 1999-2000 et 2000-2001.

Nicholas Cronk (Université d’Oxford), Nathalie Ferrand (CNRS-ITEM), Pierre Musitelli (ENS-ITEM) , Le nouvel horizon des manuscrits d’Ancien Régime

On le sait maintenant, le nombre de manuscrits littéraires du XVIIIe siècle parvenus jusqu’à nous est plus important qu’on ne le pensait il y a encore une décennie. Il y a là un nouvel horizon pour la critique génétique qui s’enrichit au contact de ces dossiers exhumés des archives. Cet horizon est celui d’un passé dont il faut reconstituer les termes précis à l’intérieur de pratiques d’écriture d’époque. C’est aussi celui d’un espace qui est à l’échelle des Lumières, par conséquent d’emblée européen, supposant une approche comparée des manuscrits d’auteurs.

L’équipe “Écritures des Lumières” de l’ITEM a été créée en 2012, initialement autour du cas des manuscrits de Rousseau et elle s’est immédiatement étoffée. Elle compte aujourd’hui six groupes de travail dont le plus récent, après la création d’un groupe sur les manuscrits italiens, lance même une sonde vers la période antérieure, XVIe-XVIIe siècles (voir http://www.item.ens.fr/lumieres/). Auteurs canoniques ou méconnus, chacun apporte son lot de questions et d’objets critiques. La table-ronde dressera un bilan et des perspectives, à partir d’auteurs francophones et italiens – Voltaire, Rousseau, les frères Verri –, en évoquant les problèmes posés par les manuscrits de travail, les bibliothèques d’écrivains et la constitution des archives d’auteurs à partir du XVIIIe siècle.

Paolo D’Iorio (CNRS-ITEM), Génétique philosophique

Cette intervention s’interroge sur la possibilité d’appliquer la critique génétique aux textes philosophiques. La génétique philosophique prend en compte l’ensemble des archives d’un philosophe (ouvrages publiés, écrits posthumes, brouillons, notes marginales, etc.) ; elle considère les notes posthumes en elles-mêmes et non comme de simples préfigurations des ouvrages finis ; elle abandonne, dans l’interprétation de l’œuvre, les notions de système ou de phase et cherche, en revanche, à reconstruire la logique du développement de chaque thème philosophique présent dans les textes (chemins génétiques), ainsi qu’à saisir les résultats des combinaisons des différents thèmes (consonances verticales). Ainsi, la génétique philosophique est capable de suivre, documenter et interpréter – de manière précise et pertinente – les métamorphoses de la pensée philosophique.

Catherine David (écrivaine, Paris) et William Kinderman (Université de l’Illinois), Conférence-concert de génétique musicale

This lecture recital examines Beethoven’s transformational variation procedures in his largest work for piano–the 33 Diabelli Variations–showing how these musical ideas received further development in the last movement of his last sonata, op. 111. Extensive passages from these two interrelated compositions will be performed. Investigation of the tensional relation of these Beethovenian works offers a provocative example of critique génétique in music.

Cette conférence-récital examine les procédures utilisées par Beethoven pour développer les variations transformatives dans son œuvre  pour piano la plus monumentale — les 33 Variations sur un thème de Diabelli — et montre comment ces idées musicales ont été développées au maximum dans le dernier mouvement de sa dernière sonate opus 111. Des passages importants issus de ces deux compositions reliées l’une à l’autre seront joués à titre d’exemple. L’analyse de la mise en tension relationnelle de ces œuvres de Beethoven constitue un exemple éclairant de la critique génétique dans le domaine musical.

Catherine David lira un extrait du chapitre intitulé « le grand escalier de Beethoven » in Lettre ouverte à ma main gauche dans lequel est évoquée la deuxième sonate pour piano et violoncelle de Beethoven.

Pierre-Marc de Biasi (CNRS-ITEM), Génétique des Arts visuels

Les méthodes d’analyse qui ont fait la preuve de leur efficacité sur les documents de genèse littéraires pouvaient-elles être appliquées avec un égal succès aux archives des arts visuels ? Les expériences menées en ce domaine depuis plus de dix ans prouvent que oui. Outre que la création en arts plastiques et au cinéma met en œuvre de nombreux documents de travail relevant de l’écriture proprement dite (notes d’intention, repérages, synopsis, programmes, scénarios, carnets, intitulations, argumentaires, entretiens, etc.) les dossiers de genèse des arts visuels se prêtent à une approche génétique particulièrement éclairante pour interpréter les artefacts non verbaux (esquisses, croquis, crayonnés, études, projets, prises de vue, etc.) les plus spécifiques à ce type de création. Dessin, bande dessinée, peinture, sculpture, architecture, photographie, cinéma, vidéo constituent un champ d’exploration génétique grâce auquel les concepts et les méthodes de l’histoire de l’art se renouvellent en redéployant les archives de l’œuvre dans leur dynamique créative, et en redéfinissant le regard critique comme la relation herméneutique à une œuvre désormais conçue en termes de processus.

Irène Fenoglio (CNRS-ITEM), Émilie Brunet (IRD) ; Jean-Marc Hovasse (CNRS-ITEM), Thomas Cazentre (BnF) ; Franz Johansson (Université de Paris 4), Olivier Wagner (BnF) ; Olivier Lumbroso (Université Paris 3), Guillaume Fau (BnF) ; Nathalie Mauriac Dyer (CNRS-ITEM), Guillaume Fau (BnF) ; Luc Vigier (Université de Poitiers et ITEM), Marie Odile Germain (BnF).

Depuis la création de l’ITEM, les équipes « sur corpus » ont travaillé en étroite collaboration avec les grands instituts de conservation, en particulier la Bibliothèque nationale, aujourd’hui Bibliothèque nationale de France. Une passion commune pour le manuscrit a réuni et réunit conservateurs et chercheurs autour de projets communs : enrichissement et classement des fonds, numérisation, éditions collaboratives, expositions… C’est cette passion qu’ils partageront lors de cette journée de célébration du Cinquantenaire de l’ITEM où de nombreux manuscrits de corpus phares – Hugo, Zola, Proust, Valéry, Aragon, Benveniste – seront exceptionnellement tirés des réserves de la Bibliothèque et présentés en direct sur écran, grâce à une captation vidéo simultanée. Ce procédé unique, encore assez peu utilisé, permet de montrer au public, de la façon la plus vivante qui soit, le document original, et de retracer au plus près les cheminements du créateur comme ceux des commentateurs. En fin de journée, à la suite de ces dialogues illustrés entre les conservateurs, les chercheurs et le public, d’autres manuscrits seront présentés, dans toute leur matérialité cette fois, sous la forme de mini-expositions éphémères.

Michel Espagne (CNRS-Pays germaniques, labex TranferS), Réflexions sur les transferts entre disciplines et entre pays

L’exposé est destiné à présenter un itinéraire personnel et le passage des études génétiques à des recherches sur les transferts culturels. Entré à l’ITEM pour y travailler sur le corpus des manuscrits de Heinrich Heine et plus particulièrement sur la manière dont il construit l’idée de panthéisme dans ses manuscrits de travail, j’ai été confronté à un auteur allemand établi à Paris qui souhaitait y être reconnu et cherchait à faire comprendre la pensée allemande au public français en utilisant un vocabulaire saint-simonien et à éclairer la situation de la vie intellectuelle et politique sous la Monarchie de juillet pour un public allemand. Quelques recherches que j’ai pu conduire sur les brouillons de Walter Benjamin (Passagenwerk) et les manuscrits de travail Winckelmann concernaient aussi des auteurs dont les papiers étaient conservés à Paris et dont l’œuvre, dans son contenu même et dans ses hésitations était, comme celle de Heine, un enjeu franco-allemand. Ils invitaient notamment à prendre en compte la relation entre genèse des textes et genèse des discours. Le passage à une réflexion sur les processus de resémantisation liés à la circulation des textes aboutissait à des recherches plus larges sur les traditions textologiques différentes selon les contextes culturels, à une analyse des conséquences des processus de resémantisation sur l’historiographie culturelle et à une ouverture des interactions possibles bien au-delà du simple espace franco-allemand.

Graciela Goldchluck et Delfina Cabrera (Universidad nacional de la Plata), La critique génétique en Argentine

Le développement actuel de la critique génétique en Argentine est inextricablement lié à la personne d’Élida Lois et à ses interventions décisives tant dans le domaine éditorial que dans la recherche et l’enseignement. En participant activement à la collection Archivos, elle a encouragé les chercheurs de différentes universités à éditer les œuvres des écrivains argentins, d’une part, et a contribué à donner une dimension plus « génétique » aux nouvelles éditions des œuvres des auteurs nationaux, d’autre part. Ce travail éditorial a permis de creuser un nouveau sillon dans la tradition textuelle latino-américaine. Cette contribution a été reconnue par une nomination d’Élida Lois à l’Academia Argentina de Letras où la perspective génétique était impensable encore vingt ans plus tôt.

L’autre facette de son influence est liée à la chaire de philologie hispanique dont elle fut titulaire à l’Université Nationale de La Plata. Ses solides connaissances en linguistique et en littérature lui ont permis de refonder les bases de ces disciplines en intégrant à leurs démarches la critique génétique comme «nouvel avatar de la philologie», bien avant que la communauté scientifique parle d’«Archiphilologie». Ces actions, réalisées au sein même du Centre de théorie et de critique littéraire (CRIGAE), ont initié la discussion théorique et la formation de nouveaux groupes de recherche qui ont pris la critique génétique comme une base à leur réflexion et à leur travail d’analyse et d’édition des œuvres des auteurs argentins.

Actuellement, l’édition et la réflexion théorique sont deux volets d’application de la critique génétique en Argentine ; la première est liée au projet Archivos, la seconde à une recherche interdisciplinaire où les archivistes, bibliothécaires, historiens de l’art, designers, critiques littéraires et cinématographiques, ainsi que les théoriciens de la langue et de la traduction, ont beaucoup à dire.

Charlotte Guichard (CNRS-IHMC): L’histoire de l’art à l’épreuve de la critique génétique. La main dans la peinture des Lumières

Conçue depuis la Renaissance comme une extension sublimée de l’esprit et du disegno, la main devient une catégorie essentielle de la critique d’art autant que de l’histoire de l’art (et du marché) qui se renouvellent au dix-huitième siècle à travers le discours du connoisseurship. A travers elle se joue une définition nouvelle de la valeur de l’art — celle de la performance et de la présence du peintre à la toile, celle de l’autographie de l’œuvre.

Paola Italia (Università degli Studi di Bologna), Alle origini della “Critica degli scartafacci”.  Aux origines de la “critique des brouillons”

La critica genetica francese e la filologia d’autore italiana hanno nella critica delle varianti di Gianfranco Contini – da lui, in polemica con Benedetto Croce, denominata “critica degli scartafacci” – una matrice storica comune, che va fatta risalire all’applicazione dello studio delle correzioni d’autore tanto ad autori italiani come Ariosto (1937), Petrarca (1941) e Leopardi (1947), che ad autori francesi come Proust (1947) e Mallarmé (1948), ma anche alle riflessioni sul “significato teorico dello studio delle correzioni”, che ne riconosce la portata filosofica nel “dover essere”, nella “evoluzione infinita” della poesia, risalente a Mallarmé, ma soprattutto a Valery, come ha mostrato il manoscritto di una lezione tenuta in Svizzera nel 1944. L’intervento ricostruisce l’origine di queste idee attraverso lo studio delle correzioni del manoscritto della “Critica degli scartafacci”, l’articolo pubblicato nel 1948 in polemica con Croce conservato nel Fondo Contini di Firenze, e presenta al contempo un esempio illuminante – una vera e propria mise en abyme – di “come lavorava Contini”.


Kazuhiro Matsuzawa (Université de Nagoya), Train de nuit dans la Voie lactée de Kenji Miyazawa : les origines de la critique génétique au Japon

Née dans le sillage du structuralisme et d’un mouvement littéraire tel que le Nouveau Roman, la critique génétique a contribué à enrichir les études littéraires depuis environ 50 ans. Aujourd’hui cette discipline a acquis le droit de cité au-delà des frontières nationales, y compris dans le domaine des études littéraires au Japon. Toutefois, la réception et l’appropriation de cette nouvelle approche n’allaient pas de soi. Quand on s’interroge sur l’histoire des études génétiques au Japon, on s’aperçoit en effet qu’à la différence de ce qui se passait en France, ni le structuralisme ni l’avant-garde littéraire n’avaient une grande influence sur le travail des chercheurs qui s’occupaient des manuscrits des écrivains. La question qui se pose est alors celle-ci : comment « l’implantation » de la critique génétique est-elle devenue possible dans ce pays ? Nous tâcherons de répondre à cette question en remontant à une période où l’approche génétique est mise en lumière grâce à la prise de conscience progressive du rapport problématique entre le texte et ses brouillons de la nouvelle Train de nuit dans la Voie lactée de Kenji Miyazawa (1896 -1933), publiée à titre posthume en 1934.

Jean-Sébastien Macke (CNRS-ITEM), Les supports et instruments d’écriture des écrivains vus par eux-mêmes

La codicologie appliquée à l’étude des manuscrits modernes est devenue un outil essentiel de la critique génétique. Les nombreuses publications de Claire Bustarret en la matière prouvent à quel point l’étude des supports et instruments scripturaux est souvent indispensable à la bonne compréhension des pratiques d’écriture des écrivains.
Au cours de cette communication, je souhaite opérer un pas de côté par rapport à l’analyse codicologique en m’intéressant au discours que les écrivains développent, au sein de leur œuvre littéraire ou dans leur correspondance, à l’égard des papiers qu’ils utilisent, des encres qu’ils privilégient. Très souvent, se fournir en papier, trouver le bon format est, pour eux, une préoccupation non négligeable dont ils se font l’écho. Cette communication visera donc à problématiser cet aspect matériel de la création littéraire.
Je m’intéresserai tout particulièrement aux écrivains étudiés à l’ITEM et dont nous verrons les manuscrits, à la BnF, le samedi 20 octobre (Hugo, Zola, Proust, Valéry, Aragon) ainsi qu’à quelques auteurs du 18ème siècle.

Pierre-Michel Menger (Collège de France) : Le travail comme catégorie de la génétique

Le pouvoir de séduction exercé par l’analyse du processus créateur, sur la foi et l’étude des documents livrés par l’archive génétique, a gagné en importance. L’artiste y obtient plus de relief. Vue comme un écart ou une déviation féconde par rapport à des canons et des règles hérités du passé, puis comme le socle d’une esthétique de l’innovation par différenciation radicale, l’invention créatrice devient le mouvement accompli par l’artiste pour atteindre à la pleine appropriation de soi et pour découvrir ses capacités, loin de l’autorité des grands exemples. Son action acquiert les propriétés dynamiques d’un déplacement dans un espace de choix et de contraintes, de décisions et de révisions, dont le détail est irreprésentable stricto sensu, mais dont les contours et certains contenus sont visibles et attestent d’un mécanisme permanent d’action et d’intervention du sujet créateur sur lui-même, sur la matière de son travail et la matière de son imagination créatrice. C’est par là que se dessine la figure d’un travailleur-créateur : ruminant, endurant, tâtonnant, aux prises avec lui-même et apte à se dégager, par l’exercice du jugement, de voies infécondes. Ainsi apparaissent les deux forces dont la composition est habituellement décrite comme le couple moteur de la créativité : la faculté d’invention, pour ses propriétés d’arrachement au socle des réalités connues et déjà produites, et le contrôle patient du cours de l’invention, pour ses propriétés de sélection à partir d’un schéma d’évaluation et de correction.

L’artiste (auteur, compositeur, plasticien) n’est pas seul à gagner en relief dans le déploiement du cours incertain de l’action créatrice. Le généticien qui examine l’archive et déploie le raisonnement contrefactuel sur ce qu’aurait pu être un cours possible de la création s’immisce dans l’acte créateur, aux points de bifurcation par lui jugés décisifs, pour projeter l’artiste et l’oeuvre dans un monde possible. Sans disposer des matériaux du travail de l’artiste, le généticien est muet. S’il en dispose, il fait du travail créateur une énigme qu’il travaille à résoudre.

Bodo Plachta (Arbeitsgemeinschaft für germanistiche Edition), Komm ins Offene, Freund! – Die critique génétique in Deutschland

Die critique génétique ist in Deutschland eine hochangesehene Forschungsrichtung. Drei französich-deutsche Kolloquien legten zwischen 1977 und 1987 die Basis für ihre Rezeption. Das Interesse der „critique génétique“ an Faksimile und diplomatischer Transkription der Autor-Handschrift fiel mit methodischen Entwicklungen in der deutschen Editionswissenschaft zusammen, die traditionelle Ausrichtung auf die Gewinnung eines edierten Texts um neue Perspektiven – eben die auf das Manuskript – zu erweitern. In der Diskussion um die Funktion von Faksimile und Transkription hat die „critique génétique“ wichtige Spuren in der deutschen Editionswissenschaft hinterlassen. Allerdings hat es nur vereinzelt wirklich textgenetische Lektüren gegeben, wie sie die „critique génétique“ vorgeschlagen hat.

« Viens au grand air, mon ami ! » – La critique génétique en Allemagne

La « critique génétique » est un courant de recherche très estimé en Allemagne. Entre 1977 et 1987, trois colloques franco-allemands ont permis de poser les bases de sa réception. L’intérêt que la « critique génétique » porte aux fac-similés et aux transcriptions diplomatiques des manuscrits d’auteurs s’accorde avec les développements méthodiques de la science de l’édition allemande, pour ouvrir l’appréhension traditionnelle d’un texte édité à de nouvelles perspectives (cela concerne également les manuscrits). La « critique génétique » a profondément marqué la science de l’édition allemande en ce qui concerne la discussion sur la fonction des fac-similés et des transcriptions. Toutefois, les véritables lectures génétiques suivant les canons de la « critique génétique » sont demeurées assez rares.

Stéphane Reecht (BnF), Conserver le support, conserver l’information: des défis pour les institutions patrimoniales

Pour permettre une exploitation sur le long terme des documents nativement numériques sur support, les institutions patrimoniales se doivent de relever plusieurs défis. Parmi ceux-ci, la préservation du support numérique est un sujet qui nécessite la mise en place de stratégies visant, de manière quelque peu paradoxale, à s’abstraire du support lui-même pour se concentrer sur la pérennisation de l’information. Un autre défi concerne la mise à disposition des documents numériques aux chercheurs ; des technologies émergent, qui nous font entrevoir la possibilité d’assurer un niveau de service équivalent à celui offert pour des collections sur support physique, et reposant sur la virtualisation et l’émulation. Enfin, faire durer des documents numériques et les communiquer n’est pas sans poser des questions d’ordre juridique et éthique, dont le producteur des données n’est lui-même pas toujours conscient.

Thorsten Ries (Université de Gand), The challenge of born-digital: the critique génétique and digital forensics

The born-digital dossier génétique, or rather: its digital materiality and philological, digital forensic features are one of the most exciting and important challenges of our time to genetic criticism and its methodology. This talk will map different types of retrievable or recoverable digital traces and material draft versions that the writing process leaves on a computer that form the digital dossier génétique. The digital materiality of each born-digital dossier génétique features an individual, specific computing-historical signature, which reveals the writing process, the digital writing strategies of the writer as much as the mechanisms at work in the text processing environment. Digital forensics has become the key methodology for archival long-term preservation of digital historical primary sources of the digital age, data recovery of deleted draft versions, philological analysis of digital avant-textes and reconstruction of writing processes.

Le dossier génétique numérique natif, c’est-à-dire sa matérialité numérique, ainsi que ses caractéristiques philologiques et d’investigation numérique (forensics), est un des défis les plus importants de notre époque pour la critique génétique et sa méthodologie. Cette communication entend cartographier les divers types de traces numériques, récupérables ou recouvrables, et les brouillons que le processus d’écriture laisse dans un ordinateur et qui forment le dossier génétique numérique. La matérialité digitale de chaque dossier génétique numérique natif présente une signature informatique individuelle qui révèle le processus d’écriture, les stratégies d’écriture informatique de l’écrivain ainsi que les mécanismes en jeu avec le traitement de texte. L’investigation numérique est devenue une des méthodes principales pour la préservation archivistique à long terme de sources historiques principales de l’âge informatique, la récupération de données de brouillons effacés, l’analyse philologique d’avant-textes numériques et la reconstruction du processus d’écriture.

Dirk Van Hulle (Université d’Anvers): Critique génétique à l’ère du numérique: Vers une histoire comparative du brouillon littéraire

In literary histories, the writing process is seldom taken into account. The starting point and research hypothesis of this paper is that a literary history of writing processes differs rather fundamentally from other literary histories in that it focuses less on literary products and pays more attention to processes, hesitations, decisions and alternatives. Reading notes and literary manuscripts are a constant in literatures of all ages and linguistic areas, and yet its role in writing processes in various traditions has never been the subject of systematic comparative scrutiny. This paper therefore delineates the conceptual framework for a comparative history of the use of literary manuscripts in writing processes, organized according to eight categories of comparison: temporal, spatial, editorial, generic, intermedial, linguistic, conceptual, and material. These comparisons uncover a great variety of materials, from stylus tablets to tablet computers, from parchment to paper, from papyrus to pc. If Nietzsche is right when he suggests that our writing tools have an impact on our thought process, the material comparison of literary drafts may offer us a rare insight into the workings of creative invention as we are moving from paper-based to born-digital literatures.

Les histoires littéraires prennent rarement en compte le processus d’écriture. Notre point de départ et hypothèse de recherche est qu’une histoire littéraire des processus d’écriture se différencie fondamentalement d’autres histoires littéraires en ce qu’elle s’intéresse moins aux produits littéraires qu’aux processus, hésitations, décisions et alternatives. Les notes de lecture et les manuscrits littéraires sont une constante dans les littératures de tout temps et de tout pays, pourtant leur rôle dans les processus d’écriture de diverses cultures n’a jamais fait l’objet d’une étude comparative systématique. Nous tâcherons de délimiter le cadre conceptuel d’une histoire comparative des usages de manuscrits littéraires dans les processus d’écriture, en les organisant selon huit catégories de comparaison : temporel, spatial, éditorial, générique, intermédial, linguistique, conceptuel et matériel. Ces comparaisons dévoilent une grande variété de matériaux, allant des tablettes à stylet jusqu’aux tablettes d’ordinateur, du parchemin au papier, du papyrus à l’ordinateur portable. Si Nietzsche avait raison quand il suggérait que nos outils d’écriture ont un impact sur nos processus mentaux, la comparaison matérielle des brouillons littéraires pourrait nous offrir un aperçu remarquable sur les mécanismes de l’invention créative quand nous passons de la littérature de papier à la littérature numérique née.